«Momo Challenge» : parlez-en avec vos enfants

Le dernier défi dont raffolent les ados sur Internet, le « Momo Challenge », est un jeu dangereux. Mieux vaut en connaître les ressorts pour inciter les jeunes à ne pas s’y frotter.

Ne vous fiez pas à son prénom apparemment innocent. Momo sème actuellement la terreur sur la messagerie Internet WhatsApp, utilisée par près de 15 millions de personnes en France. Dans la lignée d’autres défis stupides lancés régulièrement en ligne comme celui du Blue Whale l’an dernier (NDLR : un jeu où le joueur doit réaliser un défi par jour pendant 50 jours, le dernier défi étant le suicide), le Momo Challenge sévit depuis quelques semaines et est de plus en plus relayé sur les réseaux sociaux. Voilà ce qu’il faut savoir sur ce phénomène et comment en parler à un jeune tenté par l’expérience.

Un contact qui vous veut du mal

Contrairement à d’autres défis du Net, relayés par des messages qui apparaissent sur un fil Facebook ou Twitter sans qu’on le demande, il faut contacter de façon volontaire un certain « Momo » en ajoutant son numéro dans sa liste de contacts sur l’application WhatsApp d’un smartphone. Un dialogue s’installe alors avec ce profil utilisant comme photo un cliché effrayant d’une femme au visage déformé avec des yeux exorbités, des cheveux noirs fillasses et un large sourire très inquiétant.

Momo est d’abord affable, souhaite « jouer » mais ses réponses se transforment très rapidement en menaces et intimidations. Il promet vite la mort de son interlocuteur – ou de dévoiler certaines informations personnelles le concernant – si celui-ci n’obéit pas aux défis qu’il lui lance : se réveiller en pleine nuit ou aller se promener seul à deux heures du matin mais aussi, plus tard, de sauter d’un balcon. Ce n’est pas tout. Cet étrange interlocuteur se permet également de multiplier les messages en y joignant des images et vidéos violentes et des menaces envoyées jour et nuit.

Momo et… Momos

Les premiers cas ont été signalés début juillet en Amérique du Sud avec un Momo s’exprimant en espagnol. Un paravent inventé par une poignée de hackers dans le but de pirater le contenu de smartphones des personnes mordant à l’hameçon. Le phénomène s’est ensuite rapidement répandu en se dupliquant à travers le monde et en d’autres langues, apparaissant ces dernières semaines en France.

Les innombrables numéros de téléphone que l’on trouve sur le Web, via des messages sur Twitter, Facebook et bien sûr WhatsApp (qui appartient à Facebook), pour contacter le fameux « Momo » sont désormais pour la plupart des « faux originaux », mis en ligne par des internautes aux intentions plus ou moins néfastes. Certains sont ainsi des numéros surtaxés destinés à extorquer quelques euros à celles et ceux qui s’aventurent à les composer.

Plutôt prévenir que guérir

Beaucoup d’ados voient dans l’expérience une manière de faire peur et de se mesurer à une menace pas si virtuelle qu’elle en a l’air. « Dire à un jeune de ne pas se risquer à y aller est souvent inefficace, estime Gordon Choisel, président d’Ennocence, une association qui lutte contre l’exposition d’images pornographiques et violentes sur le Net. Le mieux est que les parents se renseignent au maximum sur le phénomène et qu’ils l’abordent ouvertement le sujet en famille comme ils le feraient avec tous les autres dangers du Net. Les parents ne sont malheureusement pas conscients que confier un smartphone avec une connexion au web mobile à leurs enfants est une porte grande ouverte à tous ces dangers. » Et de leur rappeler que les agissements du Momo Challenge relèvent de plusieurs délits, dont celui du harcèlement en ligne, puni d’une peine allant jusqu’à deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, voire trois ans et 45 000 € si la victime a moins de 15 ans.

« UNE DANGEREUSE PRESSION PSYCHOLOGIQUE »

Député (LREM) des Hauts-de-Seine, Gabriel Attal a adressé une question écrite au ministre de l’Intérieur pour alerter des dangers du « Momo Challenge »./DR

Quelle est l’origine de votre démarche autour de ce phénomène ?

J’en ai pris conscience il y a quelques jours lorsque des parents d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) m’ont parlé du cas de leur fils. Ce dernier a été tellement bousculé psychologiquement après avoir expérimenté ce « Momo Challenge » qu’il n’en dormait plus la nuit. La question que j’ai adressée au ministre de l’Intérieur est un moyen de donner l’alerte. Comme je l’ai écrit, ce phénomène relayé à travers les réseaux sociaux impose une dangereuse pression psychologique sur les plus jeunes internautes en les obligeant à réaliser des défis et en les menaçant de dévoiler des informations personnelles les concernant.

Avez-vous reçu une réponse ?

Pas encore de manière écrite et formelle. J’ai toutefois été plusieurs fois en contact avec les services du ministère de l’Intérieur qui m’ont assuré suivre ce dossier de façon quasi quotidienne.

Quelles mesures les pouvoirs publics doivent-ils prendre ?

Comme l’ont fait les forces de l’ordre dans certains pays touchés, il y a urgence à faire passer un message de prévention, via Internet, auprès des jeunes et de leurs parents. L’ampleur est difficilement mesurable mais sa dangerosité est réelle. Car si deux ou trois personnes, au départ, se dissimulaient derrière le profil WhatsApp et le masque terrifiant de Momo, n’importe qui peut désormais le faire en profitant de la naïveté des jeunes qui ont malheureusement envie d’essayer et de se frotter à ce défi. Et c’est la porte ouverte à d’autres dangers comme de la cyber-extorsion, des arnaques en ligne ou encore du vol de données.